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Principes et techniques

La composition d’un jardin japonais suit trois grands principes (on parlera aussi des techniques) :
– la reproduction de la nature en miniature
– le symbolisme
– la capture de paysages

La miniaturisation a pour but la représentation de scènes différentes (montagnes, lacs, rivières, mer) dans un espace restreint. Y’a aussi la réduction de la complexité. En effet, la simplicité est une caractéristique importante dans la plupart des styles japonais.

Le symbolisme est issu de la fonction religieuse des premiers proto-jardins ; il sert également au travail de simplification.

Enfin, la capture de paysages utilise des éléments distants extérieurs au jardin (bâtiments, collines, mer) dans sa composition scénique. Cela agit avec les limites imposées du jardin pour l’insérer dans un contexte plus large.

 

Le symbolisme

Parmi les représentations symboliques les plus fréquentes, un gros rocher isolé figure le mont Shumisen (Sumeru) du bouddhisme ou le mont Hōrai du taoïsme, la montagne des immortels.

Deux îles ou deux pierres côte à côte, une basse et aplatie, l’autre élevée, représentent une tortue et une grue, qui elles-mêmes symbolisent la longévité et le bonheur.

Des groupes de rochers peuvent représenter le Bouddha et ses disciples : un trio figure alors Shakyamuni entouré de Monja et Fuken ; Josiah Conder détaille même un groupement de 48 pierres dans le jardin d’un temple.

Ce symbolisme se raffine avec le temps : les premières îles « grue et tortue » ont des formes évidentes, qui sont de plus en plus suggérées au fil des générations. L’influence du zen ajoute le symbolisme de la partie pour le tout, et mène à un niveau extrême d’abstraction.

 

La perspective

La perspective est liée au principe de miniaturisation : en jouant sur la taille des éléments proches et lointains (par exemple, en plaçant de grands arbres au premier plan et des arbres plus petits à distance), il est possible de donner l’illusion d’espace à certaines zones du jardin.

Au contraire de la perspective occidentale, reposant sur un plan horizontal et un point de fuite, la perspective du jardin japonais repose sur le « principe des trois profondeurs » de la peinture chinoise, avec un premier plan, un plan intermédiaire, et un plan lointain.

Les vides entre plans sont occupés par des plans d’eau, de mousse, ou de sable.

 

 

La dissimulation

Les jardins japonais ne se révèlent jamais complètement à la vue, pour des raisons esthétiques : cacher certains éléments selon le point de vue rend le jardin plus intéressant et le fait paraître plus grand qu’il ne l’est réellement. Le miegakure (« cacher et révéler ») utilise la végétation, les bâtiments et des éléments de décor comme des lanternes pour cacher ou montrer différentes parties du jardin selon la perspective de l’observateur.

 

 

Les paysages empruntés

Le shakkei (« paysages empruntés » ou « emprunt du paysage ») est une technique japonaise utilisée par les paysagistes pour donner l’impression d’un jardin aux dimensions infinies, les jardins japonais étant généralement plus petits que les jardins chinois.

Des arbres ou buissons dissimulent les limites réelles du jardin, et des éléments distants (naturels comme des montagnes, ou construits comme des temples ou des pagodes) sont « capturés » dans la composition du jardin. Les Japonais utilisaient autrefois le terme ikedori (« capture vivante ») pour cette technique.

Le shakkei recourt à quatre plans de composition distincts :
– l’avant-plan joue un rôle relativement mineur
– le second plan utilise des éléments soigneusement positionnés pour lier le jardin aux paysages distants, et entraîner le regard vers ceux-ci
– le troisième plan est constitué par les limites du jardin (arbres, haies, murs) qui dissimulent les structures environnantes non désirées et créent le cadre qui permet de voir ces paysages lointains ; ces limites doivent être irrégulières et discrètes pour renforcer le lien (et ne pas causer de rupture voyante) entre le jardin et le paysage
– le paysage emprunté lui-même constitue le quatrième plan

Ainsi, les montagnes situées au-delà du jardin semblent lui appartenir, et on pense pouvoir s’y rendre par les multiples chemins qui se perdent derrière les rochers.

Les premières descriptions de cette technique sont mentionnées dans un ancien manuel de jardinage chinois, le Yuanye. Il indique quatre types de shakkei : emprunt lointain (enshaku), emprunt proche (rinshaku), emprunt en hauteur (gyōshaku) et emprunt en contrebas (fushaku).

Parmi les jardins les plus célèbres utilisant la technique du shakkei, on trouve :
– Tenryu-ji à Kyōto, qui utilise le mont Arashiyama, et constitue vraisemblablement l’utilisation la plus ancienne au Japon
– Enstu-ji et Shoden-ji à Kyōto, avec le mont Hiei
– Isuien à Nara, qui incorpore la porte Nandaimon du temple Tōdai-ji et les collines de Nara, dont le mont Wakakusa
– Ritsurin-kōen à Takamatsu, avec le mont Shiun

 

L’asymétrie

Le principe d’asymétrie évite qu’un objet ou aspect déséquilibre la composition en paraissant trop dominant par rapport aux autres, et rend celle-ci plus dynamique. Il associe le spectateur à la composition, en incitant à parcourir du regard d’un point intéressant au suivant.

Les techniques employées consistent à le mettre hors du milieu du champ de vision, ou à l’accompagner d’autres éléments.

Par exemple, les pierres et les arbres sont souvent disposés en triangles, symboles de la trinité bouddhiste ; les triplets de pierres dans cette configuration sont appelés sanzon seki ou sanzon-ishi-gumi.

De même, les pièces d’un bâtiment attenant au jardin peuvent être « encastrées » l’une après l’autre, en diagonale, selon un arrangement surnommé « vol d’oies », faisant partie du style shinden.

 

 

Enseignement des techniques

L’art du jardinage est historiquement religieux et ésotérique ; il est transmis oralement (kuden) par un maître à ses élèves.

Les manuels sont conservés secrètement et très peu diffusés. L’introduction du Senzui narabi ni yagyō no zu (1466) précise : « si vous n’avez pas reçu les enseignements par oral, vous ne devez pas faire de jardins » et se conclut par « ne montrez jamais ces écrits à des non-initiés. Gardez-les secrets ».

Durant l’époque Muromachi, des jardiniers senzui-kawaramono, issus des castes basses kawaramono, côtoient les prêtres zen.

Pendant l’époque d’Edo, les jardiniers deviennent une profession à part entière, avec sa propre guilde. Plus récemment, l’apprentissage se fait dans des écoles techniques, les senmon gakkō.

 

Fab, composeur de jardins zen

PS : de quoi se compose un jardin zen ou japonais ?

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